LES MAINS PATIENTES
Photographies de Fred de Casablanca
Passionné de photographie, Fred de Casablanca avec « Les Mains Patientes » nous livre des portraits intimistes révélant la personnalité et parfois les souffrances des personnes qui le consultent. Ces portraits restent anonymes, (secret professionnel oblige) et sont, grâce à la vision frontale et directe du photographe, extraordinairement vifs et pleins d’énergie. L’utilisation du noir et blanc permet de se concentrer sur l’essentiel à savoir les éléments du corps les plus expressifs : les mains. Tordues, croisées, griffées, enveloppantes, caressantes, elles nous parlent et révèlent les tensions, les peurs, les angoisses, la protection, la douceur…
Les photographies sont accompagnées de textes recueillis par l’auteur pendant les consultations qui évoquent l’approche intime qu’il partage avec ses patients et qui ont chacun leur histoire personnelle. Beaucoup n’ont pas hésité à adhérer au projet à la grande surprise du médecin. L’ensemble des images forme ainsi une interrogation pudique sur la fragilité du corps avec ses cicatrices qui marquent le passage du temps. Les mains représentées forment un langage subtil que le photographe fait résonner à travers son objectif dans des échanges brefs et chargés d’émotion.
Extrait des textes
"Il y a des gens qui font tout bien comme il faut. Ils se couchent tôt, ne fument pas, ne boivent pas, mangent bio, vegan, font du yoga ou de la méditation. Cela ne suffit pas pour battre des records de longévité.
On peut avoir une conduite exemplaire et mourir d’un cancer foudroyant en six mois. Fernande, 75 ans, fait tout le contraire. Elle picole dès midi, fume sa première clope à six heures du mat’ avant d’enquiller les trente autres. Elle me dit que c’est trop tard pour arrêter quoi que ce soit. Je pense que si elle arrête la boisson, il y a de grandes chances qu’elle se retrouve en delirium tremens. Le reste de son temps, elle fait des mots croisés et regarde la télévision. Ses enfants l’ont oubliée depuis longtemps et son mari, qui n’a jamais fumé, est mort d’un cancer du poumon il y a cinq ans. Elle soutient les Gilets jaunes en portant un manteau en faux léopard. À chaque consultation, je me contente de lui renouveler ses médicaments. L’autre jour, en la raccompagnant, je lui ai avoué que j’avais rêvé d’elle. Dans ce rêve elle m’annonçait qu’elle avait arrêté de fumer."
"Il ne faut pas oublier la main du thérapeute. J’ai adoré étudier l’anatomie, en particulier celle de la main. Une mécanique exemplaire qui permet de palper et de faire des diagnostics. La plupart des patients attendent beaucoup de cet acte presque sacré. Lorsque je pose ma main à plat sur le ventre du consultant et que je pose quelques questions sur la vie, le boulot ou les amours, alors les mots et les maux sortent, des mots différents de ceux évoqués face à face. Un jour peut-être, tout cela n’aura plus aucun sens avec les progrès de la biologie et de l’imagerie. Ce jour-là, j’espère ne plus être de ce monde."
Accompagné d’un texte de Christian Caujolle ce premier livre nous bouleverse par l’extraordinaire empathie qui se crée parfois entre un médecin et son patient.
LES MAINS PATIENTES
Textes Fred de Casablanca, Christian Caujolle
L’oeil engagé d’un médecin qui fait alliance avec ses patients
18,5 x 24,5 cm, 112 pages, couverture cartonnée, 60 photographies en noir & blanc, français
ISBN 978-2-36744-175-7 — 35 €