Découvrez le photographe animalier Thomas Jean et son point de vue sur l‘environnement, dans cet entretien avec le Salon de la Photo
Passionné depuis l’enfance par la faune et la photo et résidant à Bruxelles, Thomas Jean a su faire de sa particularité une force. A travers ses clichés empreints de poésie, il nous révèle la nature au cœur de la ville.
Thomas, peux-tu te présenter ?
Je suis photographe animalier, plutôt spécialisé dans l’observation animalière en milieu urbain à Bruxelles. Il y a cinq ans, j’ai lancé une chaîne YouTube qui s’appelle « La Minute Sauvage ». J’ai fait beaucoup de vidéos à Bruxelles, mais j’aimerais aussi faire des reportages dans d’autres villes européennes. Mon travail consiste à documenter cette cohabitation avec la flore sauvage et à sensibiliser le public à la biodiversité, surtout en milieu urbain.
Ton positionnement, même dans la photo animalière, est très particulier, puisque tu t'intéresses essentiellement au milieu urbain.
Oui, c’est vrai, mais cela ne m’empêche pas d’aller aussi explorer des milieux naturels. Ceci dit, ma vraie valeur ajoutée porte sur le milieu urbain. C’est ce que je connais le mieux, j’ai grandi et vécu toute ma vie en pleine ville.
Depuis combien de temps photographies-tu des animaux ?
J’ai fait mes premières photos avec un appareil argentique que j’ai reçu pour mes 14 ans. Je suis passé au numérique vers l’âge de 20 ans et je ne me suis jamais arrêté. Je partage mon travail depuis cinq ans avec ma chaîne « la minute sauvage ».
Pourquoi avoir choisi le thème des animaux ?
La photographie est avant tout un outil qui permet de sublimer, de questionner, de témoigner. Le choix d’une thématique est souvent lié à une passion. Les photographies d’être humain, d’événements, de mariage ne m’intéressent pas. Pour moi, la photo animalière est instinctive.
Quelqu’un t'a-t-il transmis la passion des animaux ?
C’est familial, au départ. Mes grands-parents vivent dans les gorges du Verdon, et nous allions y passer des vacances avec mes frères et mes parents. Le matin, il suffisait d’ouvrir les rideaux et de regarder par la fenêtre pour voir des sangliers, des renards, des chevreuils, des lièvres… Cela me passionnait, dès mon enfance. Je me levais le premier pour aller voir les animaux au petit matin.
La photographie animalière est-elle ton activité à plein temps ?
C’est une activité complémentaire. Je travaille pour l’administration bruxelloise pour le service développement durable, sur des questions de biodiversité en milieu urbain. Ma chaine sur YouTube, « La Minute Sauvage » m’a permis de me lancer dans une reconversion professionnelle. J’ai donc une activité complètement cohérente avec ma passion.
Qui te commande des reportages animaliers ?
Je travaille essentiellement avec le milieu associatif. Il s’agit d’institutions qui me commandent des documentaires. Je donne aussi des conférences pour les clubs photo. Je propose des stages : par exemple, je fais un stage à Vienne, pour aller observer le hamster d’Europe, et un autre dans les gorges du Verdon, pour aller voir les vautours. Je fais également des expositions, et je réalise des livres. C’est très varié.
En milieu urbain, comment t'organises-tu pour faire tes vidéos ? Est-ce improvisé ?
En ville, je suis confronté à deux paramètres : l’activité humaine et l’humain. Je connais suffisamment bien en Bruxelles, pour savoir où je dois aller pour observer des animaux, mais, il est vrai qu’il y a toujours une part de rencontre. Dans le nord de Bruxelles, je sais que je peux voir des faucons pèlerin, mais je ne suis pas à l’abri de rencontrer une autre espèce.
Je parle aussi beaucoup avec les personnes que je rencontre sur le terrain, car elles détiennent beaucoup d’informations. Par exemple, les gens qui promènent leur chien en début de soirée, peuvent me donner des informations sur les renards. C’est une source d’information colossale, même si l’activité humaine dérange les animaux sauvages.
As-tu une tenue de camouflage particulière pour prendre tes photos ?
L’un des avantages de la photo au milieu urbain, c’est que les animaux sont habitués à l’humain. Il n’est donc pas nécessaire d’avoir une tenue particulière. Pour la plupart, les animaux que j’observe sont nés en pleine ville, ils ont donc l’habitude de cet environnement.
Quelles sont les images les plus intéressantes que tu as réalisé ?
Assurément, les photos que j’ai prises chez des particuliers. À Bruxelles, il y a beaucoup de jardins en intérieur d’îlots, donc la faune se retrouve là.
En revanche, dans certains cas, si je veux une proximité suffisante, il faudra que j’utilise une tente d’affût (camouflage) ou des vêtements de camouflage ou des vêtements 3D, c’est le genre de combinaison qui vous fait ressembler à un buisson !
N’as-tu pas peur que les animaux changent leurs comportements en te voyant ?
La promiscuité avec l’humain a un effet sur les animaux. Énormément de personnes cherchent à nouer des relations avec les animaux, en les nourrissons par exemple. Pour ma part, je prône l’idée qu’il est impératif de respecter le caractère sauvage des animaux. En les nourrissant, on crée un lien de dépendance dont ils n’ont pas besoin.
L’animal sauvage est un animal indépendant qui était là avant l’humain et qui n’a pas besoin de lui.
As-tu observé des retraits d’espèces en milieu urbain ou au contraire des arrivées de nouvelles espèces ?
Les espèces qui disparaissent sont liées à l’urbanisation. Bruxelles est une ville qui dispose encore de terrains en friche. Ces zones, qui sont dénuées d’activités humaines, sont des endroits dans lesquels la nature peut se développer librement et donc favoriser la biodiversité de la flore et de la faune. Pour la politique, ces zones restent des endroits à exploiter et non pas forcément à préserver.
Les espèces qui se développent sont celles qui ont les plus grandes capacités d’adaptation, les corvidés par exemple. Ce qui n’est pas le cas des espèces plus délicates comme la gorge Bleue qui est un oiseau migrateur, revenant chaque printemps pour se reproduire. Leur site de nidification, ayant été détruit, on ne les voit plus depuis 2011.
Au niveau des mammifères, on rencontre des populations en forte croissance, comme le sanglier, le raton laveur, Le blaireau. Cela n’est pas lié au milieu urbain, mais à l’augmentation de la population de ces espèces.
As-tu une anecdote triste et une amusante à partager ?
Je suis allé un jour dans une centrale de tri de déchets à Bruxelles, j’ai vu des cigognes blanches qui venaient se nourrir dans cette centrale. Les prises de vue étaient très délicates à faire car réglementées par des espaces accessibles et réservés aux camions. J’ai vu une cigogne arriver avec un énorme sac autour du cou estampillé du logo vert, signifiant le recyclage. Une partie du sac passé autour de son cou, l’autre partie était prise dans sa patte. J’ai pensé, c’est incroyable, dans l’imaginaire collectif, la cigogne transporte un bébé et non pas un sac plastique !
J’ai pris une photo pour montrer l’absurdité et le danger de cette situation. À ce moment-là, j’ai aussi compris mon incapacité à pouvoir intervenir.
Une autre anecdote plus joyeuse, il y a beaucoup de renards à Bruxelles. Certains renards ont pris l’habitude de creuser leur terrier dans les jardins de particuliers. Chaque année, il y a des renardeaux qui naissent dans les jardins. L’espèce est protégée, vous devez donc vivre avec. J’avais rencontré un monsieur, qui avait un terrier dans son jardin et qui m’avait proposé de venir prendre des photos à ma convenance chez lui.
Ce qui est drôle, c’est que le monsieur qui m’invitait, aimait bien la bière. Donc à chaque fois que j’allais chez lui, je repartais pompette. Les premières photos étaient très intéressantes mais au fur et à mesure ça se dégradait !
Quel est ton matériel de photographie ?
J’utilise principalement du matériel Sony. Pour la photo, j’ai un A7 R V. Pour la vidéo, j’ai un Sony A7 S3. Pour les objectifs, j’utilise un 20 mm (f1/8), un 70/200 (f2/8) et un téléobjectif 200/600.
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite faire de la photo animalière ?
Le premier conseil, c’est de s’intéresser à l’animal qu’on a envie d’observer et de se concentrer sur les espèces qui vivent autour de soi. Des grosses espèces, comme le cerf, le loup, sont très difficiles à observer.
Commencez à prendre des photos avec les pigeons par exemple. C’est un animal accessible facile à trouver, qui va se laisser accrocher facilement. Honnêtement, faire une très belle photo de pigeons, c’est très compliqué.
Retrouvez Thomas Jean sur son site internet, ainsi que sur Instagram et Facebook.